Le choix des équidés

Médecin Principal Sophie MOROGE, psychiatre, responsable du projet ATAME, HIA Laveran, Marseille.

Adjudant-chef Thibaut BRACQ, maitre de manège principal, chef de la section équestre militaire, 1er régiment Etranger de Cavalerie, camp de Carpiagne.

Notre projet se déroule au sein du 1er Régiment Etranger de Cavalerie (REC) situé à Carpiagne. Ce site accueille une écurie d’une vingtaine de chevaux et de poneys destinés à l’instruction. Parmi tous ces équidés, lesquels choisir pour mener une activité de soin auprès de militaires présentant un état de stress post traumatique?

L’objectif en médiation équine de type équithérapie est d’aider le patient, par l’expérimentation, à acquérir des habiletés, améliorer ses compétences, développer des stratégies lui permettant de répondre à certaines problématiques.

Habituellement, on considère que les animaux utilisés en médiation doivent être en bonne santé, avoir des allures régulières et un bon tempérament.  Cependant, le tempérament est une caractéristique difficile à objectiver. Selon la plupart des auteurs, un cheval utilisé dans un programme de soin doit être calme, tolérant, d’un tempérament constant, et ne doit pas se montrer extrêmement réactif aux stimuli (1).

Un de nos formateurs (2) nous a donné une grille d’évaluation permettant de sélectionner les équidés pouvant participer à une activité de soin. Le cheval doit remplir les caractéristiques suivantes : ne mord pas, ne tape pas, non chatouilleux, accepte d’être séparé de ses congénères, calme à l’attache.  Il faut, idéalement, que l’animal ne soit pas « sur l’œil » (cheval qui a peur de tout, est sans cesse aux aguets, l’esprit en alerte), qu’il soit curieux, modérément réactif, proche de l’homme, suiveur, actif, qu’il ait un pas lent et régulier.Il est rare de rencontrer un équidé remplissant toutes ces caractéristiques qui en ferait le cheval « parfait » pour des activités de médiation.

A l’inverse, d’autres professionnels (3) estiment intéressant d’utiliser certains défauts ou certaines faiblesses d’un cheval. Ainsi, un cheval blessé, en cours de traitement et apte à l’activité, peut permettre de réaliser une séance autour des soins à lui apporter. Il permettra au patient de s’occuper d’un autre, de prendre soin, et peut-être de toucher du doigt l’ambivalence des équidés qui allient force et vulnérabilité.Un cheval assez réactif, lui, pourra être utilisé avec un patient impulsif et ayant recours aux passages à l’acte : il lui permettra d’être en perpétuel mouvement mais l’obligera à se canaliser.

Dans tous les cas, les caractéristiques comportementales et physiques des équidés doivent être bien connues des professionnels qui encadrent l’activité, de façon à ce que certaines associations résultent d’un choix, et jamais d’un accident.

Il n’y a pas d’association standardisée entre un tempérament de cheval et une problématique de patient. D’une part, le patient va largement influer sur le comportement du cheval (et vice-versa) et, ce qui se passera dans leur relation, ne pourra jamais être prédit avec une certitude absolue.     D’autre part, le fonctionnement d’un équidé pourra être non adapté aux besoins d’un patient à un moment donné, mais l’association pourra devenir très pertinente à une autre phase de son parcours.

Dans le cadre d’une activité de soin, il est établi qu’il est peu intéressant d’avoir recours à des équidés « blasés », indifférents aux émotions par habitude ou lassitude. On considère que ces chevaux ont perdus leurs caractéristiques d’espèce et que leur utilisation ferait perdre à la médiation beaucoup de son sens.

Dans notre projet, nous avons fait le choix de travailler essentiellement avec des poneys pour plusieurs raisons. Ils vivent en troupeau, au près.  Cela permet d’organiser des temps d’observation d’un groupe social hiérarchisé, « hyper »structuré, s’articulant sur une communication essentiellement posturale. Ce groupe constitue un support de projection intéressant pour des patients militaires. Parmi la douzaine de poneys, il en existe de tailles et de robes (couleurs) différentes, cette variété favorise les mouvements d’identifications.

En plus des poneys, nous aurons la possibilité d’utiliser également deux chevaux de race Mérens qui vivent ensemble dans un près. Leur taille plus imposante et leur aspect robuste est intéressant pour aider à la revalorisation et travailler la confiance en soi.

En tenant compte des  critères évoqués plus haut, le choix d’attribuer tel équidé à tel patient s’appuiera sur un dialogue entre les deux groupes de professionnels qui constituent l’équipe. D’un côté, les spécialistes équestres du 1er REC, deux maitres de manège qui travaillent au quotidien avec ces poneys, et une équicienne spécialiste des chevaux et de la relation d’aide. De l’autre les soignants de l’HIA Laveran, spécialisés dans la prise en charge patients souffrant d’état de stress post traumatique.

A chaque séance, le choix prendra en compte le type d’activité prévue et les objectifs individualisés définis en amont.

 

Le choix des équidés est donc primordial dans le cadre d’une activé à médiation équine. La connaissance aiguisée du comportement de ces derniers est un atout majeur à la conduite des séances, favorisant ainsi la reconstruction psychique des patients.

Comme le disait un maitre de l’antiquité : « Le cheval est un bon maître, non seulement pour le corps mais aussi pour l’esprit et pour le cœur » (4).

Références

  1. M.K. Anderson et al. Behavioral assessment of horses in therapeutic riding programs. Applied Animal Behaviour Science. 1999; 63: p. 11–24
  2. Marchetti P. Centre équestre la Sabretache [en ligne]. Disponible sur <http://www.leschevauxdesaintvictor.fr/> [Consulté le 04 mai 2017].
  3. Gillant Y. Le cheval en psychanalyse. 2ème colloque national de l’Institut de formation en équithérapie : regards sur la médiation équine, Paris, 26 avril 2014.
  4. Xénophon. De l’art équestre.